Droit à l’avortement : pourquoi les associations féministes appellent à manifester le 28 septembre ?
27 septembre 2024 à 12h18 par Étienne Escuer
L'IVG est légale en France depuis 1975.
Crédit : GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP - Image d'illustration.
Plusieurs associations féministes appellent à manifester ce samedi 28 septembre en faveur du droit à l’avortement.
« Mon corps, mon choix » : des rassemblements pour le droit à l’avortement sont organisées par un peu partout en France ce samedi 28 septembre, à l’initiative d’associations comme Osez le féminisme, le Planning familial ou encore la Ligue des Droits de l’homme.
Orléans : 15h place du Martroi
Tours : 14h devant le CCCOD
Blois : 17h30 sur les escaliers Denis-Papin
Le Mans : 11h place de la République
Un nombre d’IVG en hausse
243.623 femmes ont eu recours à une interruption volontaire de grossesse en 2023, selon les chiffres de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) publiés mercredi 25 septembre. Ce chiffre est en hausse de 3,7% par rapport à 2022, et le plus élevé depuis 1990. Interrogée par BFM TV, la présidente du Planning familial Sarah Durocher ne juge pas cette hausse alarmante, qu’elle explique en partie par un manque d’accès à l’information sur la contraception. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) observe d’ailleurs un recul de l’usage du préservatif en Europe. L’an dernier, plusieurs associations avait également annoncé attaquer l’Etat en justice, afin de faire respecter l’obligation de trois cours d’éducation sexuelle par an à l’école.
La constitutionnalisation de l’accès à l’IVG pas suffisante
Depuis le printemps, la « liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse » est inscrite dans la Constitution. Si Osez le féminisme salue cette initiative, « rien ne garantit les moyens humains et matériels, et la double clause de conscience du personnel existe toujours », rappelle l’association. Le baromètre publié par le Planning familial ce jeudi 26 septembre confirme cette difficulté d’accès. 54% des femmes interrogées ont dû attendre plus de 7 jours pour obtenir un rendez-vous pour une IVG, là où l’OMS recommande 5 jours. Une femme sur trois dit avoir aussi ressenti des pressions lors de l’avortement, de la part de mouvements anti-choix, de professionnels de santé ou de son entourage, et une sur deux n’a pas obtenu d’arrêt de travail lors de son IVG.
Des ministres aux positions controversées sur l’avortement
La nomination récente de certains ministres du gouvernement Barnier a indigné les associations féministes, à tel point que le Premier ministre lui-même a dû assurer aux Français que « les grandes lois de progrès social seraient préservées ». Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, Patrick Hetzel, le ministre de l’Enseignement supérieur, et Laurence Garnier, la secrétaire d’État à la Consommation, ont voté cette année contre la constitutionnalisation de l’IVG, tandis qu’Annie Genevard, la ministre de l’Agriculture, et François-Noël Buffet, en charge des Outre-mer, se sont abstenus. Bruno Retailleau estimait par exemple que l’IVG « n’est pas menacée en France » et que « notre Constitution n’est pas faite pour adresser des messages symboliques au monde entier ». Lorsqu’il était député, Michel Barnier a lui aussi voté contre plusieurs lois qui favorisaient l’accès à l’avortement, comme celle sur son remboursement par la Sécurité sociale en 1982. Les dernières élections législatives ont aussi été marquées par la percée du Rassemblement national. Lors du vote sur la constitutionnalisation de l’IVG, seule la moitié des députés d’extrême-droite avaient voté pour.
Le droit à l’avortement régresse dans plusieurs pays
Ces dernières années, plusieurs pays ont restreint le droit à l’avortement, à commencer par les Etats-Unis. En 2022, les juges de la Cour suprême, nommés quelques années plus tôt par Donald Trump, ont annulé le décret Roe vs Wade, qui garantissait depuis 1973 l’accès à l’IVG sur l’ensemble du territoire américain. Depuis, une quinzaine d’Etats ont interdit l’avortement, tandis que la pratique est menacée ou restreinte dans une dizaine d’autres. En réponse, une quinzaine d’Etats ont en revanche décidé d’élargir l’accès à l’IVG. La question de l’avortement est d’ailleurs au cœur de la campagne présidentielle entre Kamala Harris et Donald Trump.
Dirigée par l’extrême-droite, l’Italie a de son côté adopté cette année une loi pour autoriser les militants anti-IVG à accéder aux cliniques d’avortement. En Hongrie, les femmes sont obligées depuis 2022 d’écouter le rythme cardiaque de leur fœtus avant avorter, tandis que la Pologne a interdit presque totalement l’accès à l’IVG en 2021 et que le nouveau gouvernement tarde à revenir sur cette décision. En Argentine, le nouveau président Javier Milei a qualifié en mars dernier l’avortement de « meurtre ».
Les IVG clandestines, troisième cause de mortalité maternelle
Selon l’ONG Centre for Reproductive Rights, seuls 77 Etats autorisent aujourd’hui l’avortement sans restriction. En Afrique, en Amérique du sud et en Asie, de nombreux pays n’autorisent l’accès à l’IVG que sur justification médicale ou si la vie de la mère est en péril. Enfin, 21 pays, dont l’Egypte, l’Irak, le Sénégal et les Philippines, interdisent totalement l’avortement. Selon Amnesty international, les restrictions ne changent rien, les femmes pratiquent une IVG quoi qu’il arrive : le taux de femmes y ayant recours est de 37 sur 1.000 dans les pays où il est interdit, 34 sur 1.000 lorsqu’il est autorisé. La seule différence concerne la mise en danger des femmes. Les IVG clandestines sont la troisième cause de mortalité maternelle dans le monde, avec près de 50.000 décès par an.