Justice restaurative : quand victime et auteur de crimes s’assoient à la même table

30 avril 2024 à 6h00 par Hugo Harnois

Esprit d'équipe - Photo d'illustration

Crédit : Compte Facebook Association de Justice Restaurative et de Médiation Pénale

Lancée il y a plus de dix ans, la justice restaurative permet à différentes victimes de se confronter à des auteurs de délits ou de crimes qu’elles ont subis.

« C’est un espace de dialogue sécurisé, volontaire et confidentiel entre des personnes victimes et des personnes auteurs d’une infraction, pour échanger autour des questionnements et des répercussions de l’acte, mais également de l’après. » Voici la définition de la justice restaurative d’après les mots d’Alexandra Mariné, chargée de communication à l’Institut français pour la justice restaurative (IFJR).


 


Deux dispositifs...


Le principe est assez « simple », et deux dispositifs existent. D’abord, les rencontres détenus / condamnés / victimes. Pour ces dernières, il s’agit de mettre dans une même salle un groupe de victimes et un groupe d’auteurs de crimes concernés par le même genre de faits, mais pas par la même affaire. L’autre dispositif concerne, cette fois, exclusivement deux personnes issues de la même affaire : c’est la médiation restaurative.


Chaque année, environ 80 dossiers sont traités, et cela concerne tous types d’infractions : crimes, délits, contraventions. Le système est gratuit et tout le monde peut y avoir droit : majeur comme mineur. Formés par l’IFJR, des conseillers pénitentiaires, des juristes-psychologues et des avocats sont là pour les accompagner.


 


...qui cherchent à apaiser


« Il y a des personnes pour qui le procès ne suffit pas, qui n’ont pas de réponse à leur question, ou qui subissent des répercussions dans leur quotidien qu’elles ont besoin d’expliquer. Exemple avec quelqu’un qui développe une phobie sociale suite à l’infraction, la justice restaurative permet parfois à ces personnes de comprendre le passage à l’acte et d’apaiser ces répercussions », explique Alexandra Mariné.


Les individus participant à cette expérience ont des profils très différents, assure la chargée de communication. Même constat pour le genre d’infractions commises ou subies, « assez hétérogène ». Mais avant d’être confronté à l’auteur d’un crime dont on a soi-même été victime, « il y a toujours une grosse phase de préparation », dans laquelle on étudie les attentes et les limites de chacun. « Parce que l’objectif, ce n’est pas que les personnes sortent plus mal qu’elles ne sont rentrées dans l’espace », assure Alexandra Mariné. Après cette phase de préparation vient donc l’espace de dialogue. Au programme : cinq rencontres de trois heures environ et qui a lieu une fois par semaine. Vient enfin une sixième rencontre « bilan », un mois plus tard. La salariée de l’IFJR l’assure : il n’y a jamais eu « d’échecs » lors de ces rencontres, car « on vérifie que tout est OK avant d’aller au dialogue. La préparation aux dialogues peut parfois prendre un an ».


 


Coup de projecteur


Le dispositif s’est récemment fait connaitre par le film césarisé Je verrai toujours vos visages, de Jeanne Herry. Et il faut dire que la réalisatrice s’est donnée du mal pour rendre son récit le plus réaliste possible, toujours d’après Alexandra Mariné : « elle a été formée, elle a fait un travail documentaire très précis, c’était très important pour elle. Ce qui a donné un film vraiment très proche de la réalité. Il nous sert vraiment aujourd’hui pour parler de justice restaurative au grand public, c’est ce qui nous manquait. »


Un sacré coup de projecteur puisque depuis, l’Institut français pour la justice restaurative a reçu entre 600 et 800 demandes de bénévolat, toujours en cours de traitement aujourd’hui. « On a encore de belles années devant nous, mais on ne va pas se mentir, la question des financements, c’est toujours un peu le nerf de la guerre. On aimerait avoir davantage de financements pour faire plus, car ce n’est pas encore homogène, et il y a des départements où la justice restaurative est très peu mise en place », conclut Alexandra Mariné.