Amnesty International accuse la France d’"acharnement judiciaire" contre les manifestants
29 septembre 2020 à 10h00 par Iris Mazzacurati avec AFP
Selon Amnesty International, la répression des manifestants s'est accrue avec l'adoption de nouvelle
Crédit : Philippe LOPEZ / AFP - Photo d'illustration
Dans un rapport accablant, publié mardi 29 septembre, Amnesty International dénonce "l'acharnement judiciaire" dont fait preuve la France à l'encontre de certains manifestants.
Les violences policières contre les manifestants en France ont largement été médiatisées, "l'acharnement judiciaire" dont eux font l'objet, moins. Dans un rapport accablant, publié mardi, Amnesty International dénonce un système destiné à "réprimer" des personnes qui, souvent, n'ont pas commis d'infractions. En 2018 et 2019, plus de 40 000 personnes ont été condamnées pour divers infractions et délits "sur la base de lois vagues", fréquemment "utilisées pour restreindre illégalement les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'expression", affirme l'ONG. Son rapport de 56 pages documente des dizaines de cas de manifestants pacifiques "arrêtés arbitrairement" et "victimes d'acharnement judiciaire", selon Amnesty, pendant la période de mobilisation populaire des "gilets jaunes" et contre la réforme des retraites. "Les violences lors des manifestations sont une préoccupation légitime, mais il y a une volonté politique de faire des exemples et dissuader les gens de descendre dans la rue", affirme Marco Perolini, chercheur pour la France à Amnesty International. Les infractions, souvent formulées "de manière trop vague", amènent la justice à prononcer des sanctions "disproportionnées" contre des manifestants pacifiques, selon le chercheur. Par ailleurs, "les manifestants se retrouvent régulièrement arrêtés et poursuivis pour "regroupement en vue de participer à des violences" sur la base de simples soupçons", ajoute-t-il. Selon les statistiques officielles, 1 192 personnes ont été condamnées pour cette infraction en 2019.
Procédure « nulle et non avenue"
Julien et Gilles ont été arrêtés et fouillés le 17 février 2019 alors qu'ils rejoignaient un blocage de rond-point à Toulouse. Dans leurs poches, la police a trouvé des fusées de détresse, un masque de ski et un masque anti-poussière. Après vingt-quatre heures en garde à vue, les deux quarantenaires ont été poursuivis pour "participation à un attroupement en vue de préparer des violences" et "port de fumigènes sans but légitime". Libérés sous caution, ils n'ont plus eu le droit de mettre le pied à Toulouse dans l'attente de leur procès. Deux mois plus tard, le tribunal correctionnel a déclaré la procédure "nulle et non avenue". Mais là encore, le parquet a fait appel de la décision. Ils ont finalement été acquittés faute de preuves en décembre 2019. "Je réfléchis à deux fois avant d'assister à une manifestation, vu qu'aujourd'hui on peut se retrouver en prison sans avoir rien fait", témoigne Gilles, sous couvert d'anonymat dans le rapport. Selon Amnesty, la répression des manifestants s'est accrue avec l'adoption de nouvelles lois, notamment celle d'avril 2019 pénalisant des comportements qui ne constituaient pas auparavant un délit, comme se couvrir le visage. En 2020, la crise sanitaire a été l'occasion d'étendre davantage les restrictions au droit de manifester : selon l'ONG, 85 personnes ont été condamnées à des amendes pour avoir manifesté en mai et juin.