Vaccin anti-Covid : quelle sécurisation pour l'acheminement ?
22 décembre 2020 à 19h00 par Iris Mazzacurati avec AFP
Le défi logistique, lié au respect de la chaîne du froid se double d'un défi sécuritaire face aux me
Crédit : Pixabay - photo d'illustration
Survol des camions par des drones, nombre d'arrêts limités, stricte confidentialité des lieux de stockage : l'acheminement en France des doses de vaccins contre le Covid-19, dont doivent bénéficier de premiers patients à partir du dimanche 27 décembre, fait l'objet de mesures de sécurité drastiques.
C'est une opération ultrasensible, réalisée sous haute surveillance, que prépare la France avec la distribution du vaccin de Pfizer-BioNTech, le premier à avoir obtenu le feu vert de l'Union européenne. Dans les prochains jours, les premières doses feront la route entre les entrepôts de l'entreprise américaine Pfizer à Puurs, en Belgique, et les quelque 7 200 Ehpad de l'Hexagone, cible prioritaire de la première campagne vaccinale. Le défi logistique, lié au respect de la chaîne du froid - le sérum doit être conservé à -70°C - se double d'un défi sécuritaire face aux menaces qui pèsent sur les convois. Le chef d'Interpol Jürgen Stock a dit s'attendre à une hausse "dramatique" de la criminalité dans ce contexte avec "des vols, des cambriolages d'entrepôts et des attaques lors du transport des vaccins". Parmi les principaux risques identifiés par le gouvernement, "les actes de malveillance (dégradations, vols, attaques cyber, intrusions dans des lieux de stockages)", des actions menées par des "militants activistes anti vaccin", voire des "actes terroristes", selon une note des ministères de la Santé et de l'Intérieur, adressée aux préfets et aux agences régionales de santé (ARS). Ce document, révélé par le Journal du dimanche, détaille les différentes étapes de la chaîne d'approvisionnement des vaccins. Les doses de vaccins, avant d'être réceptionnées dans les Ehpad, seront d'abord stockées "dans une centaine d'établissements de santé" et "cinq à sept plateformes régionales" rattachées à Santé Publique France, dont la localisation est tenue secrète. Les transporteurs partenaires de Pfizer en Europe, DHL et Fedex, devront respecter les délais fixés dans "un plan de transport" communiqué à l'avance aux autorités et garantir la confidentialité de leurs chargements. Sur le trajet, leurs chauffeurs devront limiter au maximum le nombre et la durée de leurs arrêts, "en évitant les lieux d'affluence", comme les grandes aires d'autoroute.
Cyberattaques
Pour renforcer la sécurité des convois, chaque préfet pourra décider de les escorter avec "des véhicules banalisés ou sérigraphiés", et même d'y ajouter un "appui aérien" par drone. "Ce seront des transports spécialisés dans les produits de santé, comme des poches de sang voire des organes. Ce sont des transporteurs agréés, parfaitement professionnels", a déclaré mardi le ministre de la santé Olivier Véran sur l'un des sites de stockages à Chanteloup-en-Brie (Seine-et-Marne). Sur ces lieux, les dispositifs anti-intrusion ou de vidéosurveillance, en particulier près des zones où doivent être entreposés les vaccins, devront être vérifiés. La mise en œuvre de circuits d'électricité de secours pour pouvoir poursuivre l'activité "en mode dégradé" est également préconisée. L'accès aux zones critiques devra également être strictement contrôlé et limité aux seules personnes autorisées, par la tenue d'un registre ou un système de lecteur de badges. Face au risque de cyberattaque, chaque acteur de la chaîne d'approvisionnement est invité à renforcer sa protection "contre les intrusions dans les systèmes d'information" et à fermer "tous les services non indispensables" pour limiter les risques de fuites de données après un phishing ou d'extorsion par un rançongiciel. Le 9 décembre, l'agence européenne des médicaments a annoncé avoir été la cible de cybercriminels, avec le piratage de documents liés au vaccin de Pfizer-BioNTech. Un mois plus tôt, Microsoft a accusé des "groupes étatiques ou para-étatiques" russe et nord-coréens d'avoir attaqué des groupes pharmaceutiques cherchant le vaccin, ce que Moscou a démenti. Mais des cibles plus vulnérables pourraient être touchées. "Même s'il y a eu une trêve au plus fort de la crise, les hôpitaux sont particulièrement visés car ils sont peu protégés et ont quand même la vie de patients entre leurs mains", explique Sarah Pineau, officier dans la réserve opérationnelle de l'armée de terre. "Quand des hackers lancent une attaque et demandent une rançon, ils sont quasiment sûr d'arriver à leurs fins", ajoute cette experte en cyberdéfense, qui craint que la médiatisation de ces attaques "renforce la défiance des populations vis-à-vis des vaccins".