Projet d’aide à mourir : « Une avancée historique », mais…

24 avril 2024 à 6h00 par Hugo Harnois

Un lit d'hôpital - Photo d'illustration

Crédit : Pixabay - Libre de droit

Le projet de loi du gouvernement pour une aide à mourir sous conditions strictes a été présenté le 10 avril dernier en Conseil des ministres. Président de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), Jonathan Denis revient sur les axes fort de ce texte.

C’est l’un des plus grands chantiers du second quinquennat d’Emmanuel Macron : le projet de loi pour une aide à mourir sous conditions strictes. Ce dernier a été présenté le 10 avril dernier en Conseil des ministres. Pour y prétendre, il faudra être majeur, atteint d’une maladie incurable à court ou moyen terme, capable d’un discernement plein et entier, et avoir habité en France de manière significative.


 


Être "plus ambitieux"


« Ce projet de loi est une avancée historique, jamais il n’y avait eu un projet de loi porté par un gouvernement, qui permette à la fois cette avancée sur les soins d’accompagnement et les soins palliatifs, et également une légalisation de l’aide à mourir », approuve Jonathan Denis, le président de l’ADMD. Cependant, celui-ci nuance en assurant qu’il faut « être plus ambitieux pour que nous obtenions une loi véritablement républicaine, et qui permette d’accompagner toutes celles et tous ceux aujourd’hui qui font face à l’incurabilité d’une pathologie et qui ont des souffrances qu’ils jugent absolument insupportables. »


Dans le détail, le critère de « court ou moyen terme » évoqué par la ministre de la Santé Catherine Vautrin est « une erreur », pour le président. Jonathan Denis reprend différents exemples de pathologies qui n’entrent pas dans cette prérogative, comme les maladies neurodégénératives (Charcot, sclérose en plaques). « Il y a des personnes qui ont des souffrances qui peuvent être insupportables et qui n’auraient peut-être pas ce pronostic engagé à moyen terme. Et d’ailleurs, aucun médecin en France n’est capable de vous dire précisément ce qu’est un pronostic vital engagé à moyen terme », appuie le président de l’ADMD, ajoutant que « c’est clairement une limite dans le projet de loi. »


 


Liberté de conscience 


Dans ce texte présenté il y a quelques semaines, le concept de suicide assisté (la personne fait elle-même le geste) serait la règle et l’euthanasie (un médecin, un infirmier ou une infirmière réalise le geste létal à sa demande) l’exception, au cas où le patient ne peut être autonome. Pour Jonathan Denis, ce point est aussi l’une des limites du projet de loi. Il plaide pour « la liberté de conscience du soigné, qui est un libre-choix entre le suicide assisté et l’euthanasie, même si le projet de loi n’ose pas employer ces mots. Je pense donc à la liberté de conscience du soigné qui, pour des raisons qui lui sont propres, ne fera pas ce geste, et qui doit pouvoir demander à un soignant de l’accompagner. »


Au-delà des différentes conditions à remplir pour prétendre à cette aide, le processus dans lequel se lance le patient est aussi à prendre en compte. Dans les grandes lignes, le patient devra d’abord contacter un médecin qui lui proposera une prise en charge en soins palliatifs. Mais si cette solution ne convient pas au malade, son médecin devra alors faire appel à deux personnes, et notamment un spécialiste de la pathologie concernée qui n’a aucun lien avec le patient. Ce spécialiste aura ensuite 15 jours pour donner son avis sur ce cas médical.


Un délai beaucoup trop long, pour le président de l’ADMD : « il ne faut pas transformer cette demande d’accompagnement en un parcours du combattant et, finalement, que les malades décèdent avant même le retour du médecin pour l’accompagnement. Je milite pour qu’on réduise ce délai à quatre jours. »


 


Pas de "vérité universelle" 


On rappelle que le projet de loi sera débattu à l’Assemblée nationale à partir du 27 mai. Jonathan Denis estime que ces discussions autour du projet devraient encore durer entre 12 et 18 mois, et « tout le temps que vont prendre les débats parlementaires, c’est du temps que les Français et les Françaises n’ont plus. Donc ils vont toujours devoir partir en Belgique ou en Suisse, ou ne pas avoir accès à des soins palliatifs qu’ils voudraient avoir en France. »


En attendant est sorti le 28 mars dernier le livre de Jonathan Denis, « Plaidoyer pour la dernière des libertés », une œuvre chorale donnant la parole à des personnes qui « depuis très longtemps, militent pour qu’il y ait une évolution de la loi. Il y a également des médecins et des accompagnants qui sont au quotidien auprès des malades, ou des étrangers qui nous expliquent ce qu’est réalisé ailleurs. »


Aussi bien destiné au grand public, aux parlementaires qu’aux professionnels de santé, le président de l’ADMD souhaite avant tout « donner la parole à celles et ceux que l’on entend parfois peu dans ce débat. » Et selon lui, s’il y a « une chose essentielle » à retenir de son livre, c’est que « nous ne détenons pas la vérité universelle sur l’accompagnement en fin de vie. Et c’est justement parce que nous avons ces incertitudes que nous souhaitons avoir ce choix si nous devons faire face à une pathologie grave et incurable. »