Essais nucléaires : trop peu de données pour établir un lien avec les cancers en Polynésie selon l’Inserm
23 février 2021 à 13h30 par Iris Mazzacurati
Il y a trop peu de données pour établir ou exclure un lien entre les essais nucléaires réalisés en Polynésie française et des pathologies telles que le cancer, estime l'Institut français de la recherche médicale (Inserm) dans un rapport à paraître mercredi.
Les résultats des études menées en Polynésie française "sont insuffisants pour conclure de façon solide sur les liens entre l'exposition aux rayonnements ionisants issus des retombées des essais nucléaires atmosphériques en Polynésie française et l'occurrence" de pathologies comme le cancer de la thyroïde ou les hémopathies malignes, ont estimé dix experts réunis par l'Inserm, selon la synthèse du rapport.
Mais les rares études épidémiologiques "ne permettent pas non plus d'exclure l'existence de conséquences sanitaires qui seraient passées inaperçues jusqu'à présent", nuance ce rapport commandé en 2013 par le ministère de la Défense.
La France a réalisé 193 essais sur les atolls de Moruroa et Fangataufa, dans l'archipel des Tuamotu, entre 1966 et 1996, dont 46 essais atmosphériques, les huit premières années.
Les experts ont analysé 1 150 documents et études portant sur la Polynésie française et sur d'autres sites où ont eu lieu des essais nucléaires. Le rapport souligne à plusieurs reprises le manque d'études complètes pour établir l'impact des essais sur la santé des Polynésiens. "Ces résultats et la rareté des données justifient la nécessité d'envisager d'autres approches afin d'évaluer les conséquences sanitaires des retombées des essais nucléaires en Polynésie française", précise-t-il.
Il constate cependant une incidence très élevée de cancers de la thyroïde en Polynésie française. "Sur la période 1998-2002, elle est même la plus élevée au monde, avec celle de la Nouvelle-Calédonie".
Mais les experts n'établissent pas de lien avéré avec les essais nucléaires, et pointent aussi d'autres facteurs de risques pour les pathologies constatées, comme le tabagisme, la forte consommation d'alcool ou l'obésité.
Cette étude n'englobe pas toutes les conséquences sanitaires potentielles des essais nucléaires : les auteurs précisent qu'ils ont étudié les conséquences des rayonnements ionisants, mais pas les effets psychosociaux, ni la toxicité chimique des radionucléïdes.
Dans ses conclusions, le rapport recommande une amélioration de la surveillance sanitaire des pathologies non transmissibles, comme les cancers, les maladies cardiovasculaires et les anomalies congénitales. Il estime nécessaire d'affiner les estimations de doses reçues par la population locale.
Il propose enfin de réaliser une veille attentive et rigoureuse de la littérature scientifique internationale sur les effets des faibles doses de rayonnements ionisants.
(Avec AFP)