Olivia Symniacos, avocate entièrement dévouée aux animaux
20 février 2024 à 7h00 par Guillaume Pivert
Olivia Symniacos est avocate, spécialisée dans le droit animalier. Elle vient de sortir un livre « Au nom de tous les animaux » (Les Arènes).
Elle ne voulait pas être avocate mais déjà impliquée dans la défense des animaux. Finalement, Olivia Symniacos, enfilera la robe et ouvrira un cabinet à Annecy, dédié au droit animalier.
Vibration : à quel moment vous avez choisi le droit des animaux ? Qu'est-ce qui a été le déclic pour vous ?
OS : Il n'y a pas vraiment eu de déclic, ça a été un concours de circonstances. Et puis, le dernier, ça a été le décès d'un chat auquel j'étais très, très attachée et qui m'a conduite à me dire je ne veux plus jamais avoir un seul animal, me consacrer à un seul animal, mais par contre je veux renforcer mon lien à tous les animaux. C’est à ce moment-là que se créé le diplôme universitaire de droit animal à Brive-la-Gaillarde. Ça a fait tilt.
Vibration : en 2015, le code civil reconnait aux animaux le caractère d’êtres vivants, doués de sensibilité. Cela vous a aussi donné envie de vous spécialiser ?
OS : J'étais déjà militante, j'étais impliquée dans la protection animale d'autres manières. Non, c'est vraiment ce concours de circonstances, la succession des choses qui ont fait que j'ai été obligée entre guillemets de devenir avocate alors que je ne voulais pas le devenir. Je me suis retrouvée coincée dans un métier que je n'avais pas choisi.
La mort de mon chat et puis ce besoin de renforcer mon lien avec les autres animaux, mon investissement pour les autres animaux. Et puis la création de ce DU qui est venu se greffer là-dessus. Ça a été vraiment un cheminement, mais vraiment, ça s'est fait de manière naturelle.
Vibration : vous intervenez pour quelles affaires au quotidien ?
OS : Le droit animalier c'est très varié. Ce que je préfère c'est le droit pénal et puis les dossiers de responsabilité : chien mordeur, responsabilité d'une pension qui aurait fait échapper un chien, des choses comme ça… Mais le droit animalier va bien au-delà de ça, c'est du droit des contrats, c'est du droit de l’environnement dans des dossiers de lutte contre le braconnage, c'est des dossiers de droit administratif, ce sont des dossiers quand il y a un problème de propriété, c'est vraiment très varié, on touche à tous les pans du droit, à toutes les procédures et à toutes les juridictions.
Vibration : Est-ce que vous trouvez qu'il y a un traitement ou en tout cas une vision différente entre les animaux de compagnie, les animaux de cirque, de laboratoire ?
OS : Bien sûr, la protection des animaux dépend de quoi ? Pas de leur espèce mais de leur statut. Quand je cite l'exemple du lapin dans le livre, tout dépend de l'endroit où il est né et de ce à quoi on va le destiner ce lapin, pour voir le degré de protection. C'est sûr qu'un lapin qui est dans une cage, dans une chambre d'enfant, il est beaucoup plus protégé qu'un lapin qui est élevé pour servir l'expérimentation animale qui reste une activité qui est légale.
Vibration : on a quand même l'impression souvent que l'homme continue de considérer l'animal comme un bien et d'où des comportements de domination, parfois de violence…
OS : L'évolution des consciences est en cours, elle a commencé, elle est en cours, on la constate et c'est un cercle vertueux en fait, puisque c'est l'évolution de la science qui permet de faire évoluer les consciences. Il y a une évolution de la législation qui suit derrière parce que plus on sait de choses sur les animaux, plus on a quelque part d'obligation de protéger ce qu'ils sont. Donc l'évolution des consciences est en cours. Quand on voit qu'avant il n'y avait quasiment aucun signalement à cause de la peur des représailles… Aujourd’hui, il y a de plus en plus de signalements, donc du coup il y a de plus en plus de procédures pénales, il y a de plus en plus de condamnations, il y a de plus en plus de médiatisation de ces condamnations, donc petit à petit ça rentre.
Vibration : Et votre ouvrage y participe selon vous à cet éveil, en tout cas c'est un des objectifs que vous aviez en l'écrivant ?
OS : On m'a proposé d'écrire ce bouquin et effectivement j'ai saisi l'occasion qui m'était présentée parce que je me suis dit que c’était peut-être une nouvelle forme d'engagement pour moi, une nouvelle forme d'intervention en faveur des animaux.
J'ai voulu justement faire un bouquin qui n'était pas un bouquin théorique sur le droit animalier. Il y en a plein qui font ça très bien, mais moi ce n'est pas moi déjà et puis ce n'est pas ce que je voulais faire. Je souhaitais un livre qui raconte des histoires pour montrer aussi que la vie des animaux est liée à la vie des humains.
Vibration : Qu'est-ce qui manque selon vous dans l'arsenal législatif pour défendre encore mieux les animaux ?
OS : Le problème c’est qu’on avance évidemment, mais on avance en étant encadré par des soucis, des intérêts dit supérieurs, notamment économiques, puisque on est toujours en train de peser, on est sur une balance, on pèse les intérêts en jeu et on se dit bon ben voilà il y a la sensibilité animale mais à côté de ça il y a l’argent, à côté de ça il y a le loisir, à côté de ça il y a la tradition… A un moment donné, il va falloir comprendre qu'il y a des choses qui sont plus importantes que d'autres. Ce qui bloque l'avancée pour moi ce sont les lobbies.
Vibration : comme pour la corrida ?
OS : Quel point de vue voulez-vous que j'ai sur une pratique qui consiste à torturer un animal et le mettre à mort au sein d'une arène pendant que les gens applaudissent. Évidemment, ce sont des pratiques que je ne comprends pas.
Il y a une partie des pratiques taurines qui à mon avis n'ont plus lieu d'exister parce que c'est plus en cohérence avec les connaissances scientifiques sur l'animal. Alors qu'on court après un taureau dans une rue pour lui enlever une cocarde qu'il a accrochée à la corne, ça ne me pose aucun souci. En revanche, enfoncer des banderilles dans le dos d'un taureau, sous les applaudissements, et qu'on le mette à mort, non.
Il y a les combats de coq aussi. y a des seules exceptions légales. C'est comme si on fixait dans un autre délit une exception en disant « voilà ce délit là si vous le commettez contre telle personne c'est pas grave ». Et là on estime qu'on a un animal qui reste un bovin, c'est le même que ceux qui sont dans les champs, et que lui, on peut le massacrer, et puis c'est légal parce qu'il y a une tradition. Mais bon, la tradition, c'est fait pour évoluer.
De toutes façons, ces exceptions, c'est le signe que le chemin est encore long et fastidieux pour convaincre.
Au nom de tous les animaux d’Olivia Symniacos et de la journaliste Valérie Péronnet est paru aux éditions Les Arènes.