Antiterrorisme : que contient la nouvelle loi présentée cinq jours après l'attaque de Rambouillet ?

Publié : 28 avril 2021 à 13h45 par Iris Mazzacurati

VIBRATION
Le projet de loi antiterroriste promet de vifs débats au Parlement.
Crédit : CC BY Petit Louis

Un nouveau projet de loi visant à lutter contre le terrorisme qui pérennise et étend notamment le recours à la technique décriée des algorithmes pour tenter de détecter les personnes radicalisées, actuellement sous les radars du renseignement, était présenté ce mercredi 28 avril en Conseil des ministres, cinq jours après l'attentat de Rambouillet.

"Ce texte concilie une double exigence : celle de donner à nos services plus de moyens pour être plus efficace mais aussi celle de respecter totalement nos principes juridiques fondamentaux par un encadrement strict des finalités et des procédures qui régissent les moyens mobilisés pour agir", a expliqué le Premier ministre, Jean Castex à l'issue du Conseil des ministres lors duquel le texte était présenté.

Le chef du gouvernement a martelé que "la République entend continuer à se donner tous les moyens pour lutter pied à pied contre le terrorisme islamique", moins d'une semaine après l'attaque mortelle d'une fonctionnaire de police à Rambouillet pour laquelle le parquet antiterroriste s'est saisie.

Un peu plus tôt dans la matinée, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a relevé sur France Inter qu’il y a "neuf attentats de suite que l'on ne pouvait pas détecter à moyens constants". "Nous continuons à être aveugles, à surveiller des lignes téléphoniques normales que plus personne n'utilise".

A l'appui de ses propos, le ministre de l'Intérieur a souligné que chacun des meurtriers de Samuel Paty et des paroissiens de la Basilique de Nice, en octobre 2020, ne communiquaient avec ses interlocuteurs que par messageries cryptées, Facebook et Messenger et non par téléphone.

Il a insisté en outre sur le profil des auteurs des récents attentats, qui se sont radicalisés rapidement et n'étaient pas fichés par les services de renseignement.

Levée de boucliers des défenseurs des libertés publiques

Pour détecter les menaces, le texte pérennise la technique de l'algorithme, qui permet le traitement automatisé des données de connexion, tout en l'étendant aux adresses web ("URL").

M. Darmanin a fait valoir que sur les 35 attentats déjoués depuis 2017 "deux" l'avaient été grâce aux traces numériques laissées par leurs auteurs.

Le projet de loi porte à deux mois, contre un seul aujourd'hui, la durée autorisée pour recueillir des données informatiques. Au-delà, ces données sont considérées comme "mortes" mais pourront être conservées pendant cinq ans aux fins de recherches et développement et faire progresser l'intelligence artificielle des "boîtes noires" des services de renseignement.

En terme de garantie des libertés individuelles, le ministre a expliqué qu'écouter une personne détectée par les algorithmes serait soumis à des "autorisations", en ajoutant qu'était prévu également un contrôle parlementaire.

Il s'agit "d'appliquer à Internet ce que nous appliquons au téléphone" en matière de surveillance, a-t-il fait valoir.

Le projet de loi - dont le vote définitif est prévu par le gouvernement "avant la fin du mois de juillet", selon Marc Fesneau (Relations avec le Parlement) - promet de vifs débats au Parlement et une nouvelle levée de boucliers des défenseurs des libertés publiques.

Dix-neuf articles

Fort de 19 articles, il vise principalement, selon le ministère, à "actualiser", voire renforcer, plusieurs dispositions de la loi renseignement de juillet 2015 et celle sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Silt) d'octobre 2017.

Les "visites domiciliaires" - ex-perquisitions administratives -, intensifiées après la décapitation de Samuel Paty, pourront s'accompagner de la saisie du matériel informatique si un suspect refuse de donner l'accès à son contenu.

Les mesures individuelles de contrôles (Micas) - ex-assignations à résidence - pourront être prolongées "jusqu'à deux ans" après la sortie de prison, contre un an aujourd'hui, pour les personnes condamnées à au moins cinq ans ferme pour terrorisme.

Ces mêmes "sortants", s'ils présentent une "dangerosité particulièrement élevée" de récidive, pourront aussi faire l'objet de mesures judiciaires, telles qu'établir sa résidence en un lieu donné ou respecter une prise en charge sanitaire, jusqu'à cinq ans après avoir purgé leur peine.

"Ça concerne un peu moins d'une centaine de détenus qui ont été condamnés, qui vont sortir, et qui doivent impérativement être suivis et suivis de près", a expliqué le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti sur France 2 mercredi.

Cette disposition est une réponse à la censure l'été dernier par le Conseil constitutionnel d'une proposition de loi LREM qui prévoyait des "mesures de sûreté" pour les détenus terroristes sortant de prison.

Par ailleurs, le texte propose d'interdire à une personne tenue de résider dans un périmètre géographique déterminé de paraître dans un lieu où "se tient un événement soumis, par son ampleur ou sa nature, à un risque terroriste particulier", tel qu'une rencontre sportive ou un festival de musique.





(Avec AFP)