Le récit de la folle traversée de l'Atlantique à la nage par un ancien Angevin
21 février 2024 à 6h00 par Hugo Harnois
En 2023, on avait interviewé Fabien Leroux, directeur commercial qui a vécu à Angers plusieurs années, et qui s’était lancé dans le projet fou de traverser l’Atlantique à la nage en 50 jours. Un an plus tard, on est venu prendre de ses nouvelles.
Fabien Leroux ne savait peut-être pas que la mission dans laquelle il s’était lancé allait être si compliquée à mettre au point. Dans les grandes lignes, l’ancien Angevin souhaitait, en 50 jours, relier le Cap Vert à la Barbade. Comment ? En nageant 12 heures par jour en plein océan Atlantique, en bipalmes ou monopalme.
Une préparation laborieuse
Pour cela, il fallait d’abord boucler un budget de 150.000 euros (dont environ 60.000 euros rien que pour son radeau). Une mission qu’il a remplie « non sans mal. Quelques jours avant de partir au Cap Vert, je cherchais encore du pognon. Trouver des partenaires a été galère parce que je m’appelle Fabien Leroux et que je ne suis pas connu », résume aujourd’hui l’intéressé. Mais finalement, après trois ans de préparation, le sportif a réussi à réunir le nombre de partenaires nécessaire : « ça a été épique, difficile, et c’est ma grande victoire ».
À la base, le nageur devait se lancer le 16 décembre, mais son engin n’est pas parti en même temps que lui. « Pour un bateau ni à moteur ni à voile, je n’ai jamais vu autant de papiers à demander, et mon bateau est finalement arrivé le 20 décembre. » Après encore de très longues heures de préparation (installation du mât, des feux de direction et des safrans notamment), Fabien Leroux arrive finalement à prendre le large le 22 décembre dernier.
Une aventure de trois jours seulement...
L’aventure commence, réellement, avec « une mer formée très tôt, et des creux de 3,50 mètres. Quand vous les voyez arriver, vous êtes tout petits. » Et malheureusement, dès le premier et deuxième jour de traversée, l’ancien Angevin voit ses safrans se casser à cause de la puissance trop importante des vagues : « il y a eu un problème de conception alors que j’ai fait appel à un architecte naval. C’est comme si on retire le volant de sa voiture, je ne peux plus me diriger, mon bateau dérive en crabe. » Fabien Leroux ne se démonte pas pour autant, lui qui a « tout prévu de A à Z ». Il se sert alors d’une aile qui ressemble à un gros cerf-volant pour remettre son bateau sous le vent et reprendre la direction de son engin. Deuxième mésaventure : « en essayant de faire partir l’aile, il y a un grand coup de vent, et l’éolienne me tranche le bras, j’ai deux grosses coupures profondes, et il faut que je fasse des points. »
S’il se qualifie de tête brûlée, Fabien Leroux précise toutefois que « la vie prévaut sur tout le reste. » Il appelle alors les secours le 25 décembre, il est d’abord remorqué par un Américain : « mon bateau a été arraché pendant le remorquage pendant une dizaine d’heure, je suis passé à tabac, il n’y a pas un endroit de mon corps où je n’avais pas de bleus, comme si j’étais dans une machine à laver, un enfer sans nom ». Le directeur commercial est ensuite récupéré par les garde-côtes capverdiens qui ne peuvent pas prendre avec eux le bateau de Fabien. « Je dois prendre la décision d’abandonner mon bateau. Il a fait jusqu’à présent plus de 2000 km, il dérive vers le sud et devrait arriver au Brésil. Il risque de traverser l’Atlantique, mais sans moi », plaisante-t-il aujourd’hui.
... mais pleine de "moments incroyables"
Pour résumer, le nageur expérimenté n’aura passé que trois jours dans l’eau, au lieu des 50 prévus, sans pouvoir rapporter son bateau en France avec lui. Mais philosophe, Fabien ne voit pas ça comme un revers : « le mot ‘échec’ ne fait pas partie de mon vocabulaire. Moi, soit je gagne, soit j’apprends. Cela ne vient pas de moi, c’est Nelson Mandela qui a sorti ça, et il a raison. »
Garder le positif, c’est donc ce que fait l’ancien Angevin qui a en tête « des moments incroyables avec des tortues qui m’accompagnent. Pour moi qui suis nageur-plongeur, c’est le rêve. Et à un moment donné, je suis quand même à 250 kilomètres des côtes. Aujourd’hui je suis l’un des nageurs en nage libre qui a fait le plus grand parcours sur une distance en solitaire où il n’y a plus la côte, j’étais seul au monde avec l’océan à perte de vue. C’étaient des moments excellents que je n'oublierai jamais, et qui m’ont montré pourquoi j’étais là. »
Autre raison de se persuader que l’histoire se termine bien : « on a 792 prénoms d’enfants qu’on a inscrits sur mon bateau à l’arrière. C’est toutes les écoles que j’ai visitées, les gamins qui m’ont suivi et qui aujourd’hui sont des ambassadeurs des océans. Indéniablement, ce sont plein de choses positives. »
Finalement, Fabien ne baisse pas les bras puisqu’il compte retenter sa chance prochainement. Non pas avec un trimaran en bois comment cela a été le cas pour sa première expédition, mais avec un catamaran en carbone bien plus léger.